Cet article est le dernier d’une série de 3 articles découpés comme suit :
- L’âge du public
- Le nombre d’élèves
- La langue d’enseignement (différente de la langue enseignée)
- La motivation du public
- Le programme à suivre / L’autonomie du professeur
- Des classes formées ou non selon le niveau individuel
Partie 3 :
-
- Le rapport entre le professeur et les élèves
- La discipline et les réponses de la hiérarchie
- Conclusion
7. Le rapport entre le professeur et les élèves
Les professeurs de FLE vont boire un verre avec leurs élèves, mangent au restaurant avec eux les jours de fêtes, testent leurs capacités vocales réciproques dans des karaokés, s’échangent de petits présents de fin de cours, se prennent en photo, etc.
Il est beaucoup plus difficile de dépasser la frontière du professeur qui n’est rien de plus en dehors des heures de classes dans le système de l’éducation nationale, et si cela est fait, il est ensuite compliqué de retrouver pleinement son statut de professeur à considérer avec ses spécificités de retour dans la classe. Être ami avec / proche de ses élèves en FLE est plus simple qu’avec des classes de jeunes adolescents au collège/lycée ou d’étudiants à l’université. La proximité de l’âge entre les jeunes enseignants et les élèves jouent aussi leur rôle dans ce phénomène, alors qu’il tourne parfois à notre désavantage au lycée, par exemple.
Il y a souvent quelques craintes liés au favoritisme, voire même des soupçons de séduction et de relations physiques entre les élèves et les professeurs, plus dangereuses encore si l’élève est mineur. Si cela est encadré par la loi et assez mal vu en France, ce n’est pas automatiquement précisé à l’étranger (voir : https://initiadroit.com/une-relation-profeleve-est-elle-permise-quels-sont-les-droits-pour-leleve/)
On peut dire que cette différence existe principalement du fait de l’âge moyen des classes, mais pas que. Le nombre limité des élèves dans la salle de classe, dont nous parlions, permet ce rapprochement, le statut d’étranger des uns ou des autres nous poussent à l’entre-aide et à la curiosité personnelle. En tant que professeur, on a tendance à se prendre pour exemple pour enseigner sa langue et on sympathise petit à petit et sans le réaliser avec ses apprenants.
8. La discipline et les réponses de la hiérarchie
La question de la discipline, en particulier dans l’éducation nationale, se pose comme une conséquence de toutes les différences citées précédemment.
Il est reconnu qu’on a un plus grand souci de la discipline et de l’autorité du professeur au sein de l’éducation nationale, en particulier lorsqu’on débute, qu’en enseignant le FLE dans une école de langue privée. Dans le premier cas, on redoute le manque de flexibilité de certains élèves, de ne pas être écouté, de devoir mettre des sanctions, etc. On vient pour enseigner et on se retrouve à se torturer l’esprit pour savoir comment améliorer l’appréciation des cours de la part des élèves revêches et des moins attentifs.
Nous savons que la politique, la culture d’un pays ou d’un autre a une influence directe sur la façon dont le professeur est perçu, et c’est en cela qu’il est, à l’heure actuelle, malheureusement plus gratifiant d’enseigner ailleurs qu’en France et/ou auprès d’étrangers.
Il est plus facile de faire part d’un problème de ce genre auprès d’une direction qui règle les codes de conduite de son établissement elle-même et a un plus grand champ d’intervention, que de changer les codes d’une organisation aussi imposante que l’éducation nationale en France.
Les problèmes internes peuvent, en revanche, être tout autant considérés qu’au contraire ignorés ou diminués par vos supérieurs hiérarchiques dans un cas comme dans l’autre.
À défaut de posséder un grand champ d’action de ce côté-là, on peut regarder du côté de l’élève. Est-ce plus facile d’intervenir pour un professeur de FLE ?
Si le financement parfois élevé des cours de langue en école privée peut dissuader certains de gâcher leur apprentissage, cet aspect est moins évident dans le monde de l’éducation nationale, où les « mauvais » élèves ne savent parfois plus à quoi rime leur présence dans les classes et où ils ne croient plus pouvoir prendre leur avenir en main (voir point n°4 : La motivation du public). Il est dans ce cas extrêmement difficile pour les professeurs d’aider tout le monde autant qu’ils le voudraient, entraînés tous ensemble dans une course contre la montre où chacun peut finir perdant.
Les élèves du FLE ont plus de marge de manœuvre pour rattraper leur niveau et cela peut les pousser à faire des efforts (proposition de cours particuliers de la part du professeur, nouvelle session de cours du même niveau prochainement, modification de la cadence ou des horaires des leçons, etc.). Cela reste quasiment impossible en enseignant dans un collège ou un lycée français.
Tout problème de discipline n’étant pas lié à des difficultés d’apprentissage ou une perte de repères, un élève qui manque à ses obligations citoyennes dans une école privée pourra s’en voir refuser l’accès s’il insiste. On y arrive que très rarement en FLE, et aucun établissement aime craindre de se donner mauvaise réputation en perdant des clients de cette façon, mais le fait que cette possibilité existe et qu’elle soit irrévocable peut servir de frein. L’élève en question peut, bien avant que tout cela n’arrive, être changé de classe si l’origine du problème vient de ses affinités avec un professeur ou ses camarades.
Conclusion
À mes yeux, l’éducation nationale française devrait regarder un peu plus du côté du monde du FLE pour comprendre ce qui pourrait guérir ses maux et se moderniser. L’attention donnée à la réalité du terrain et à la réaction des élèves reste plus importante chez les responsables des programmes FLE et les professeurs qui les appliquent, qui me paraissent moins idéologiques que soucieux de voir des résultats positifs palpables dans les classes de leurs établissements, par de bons résultats aux examens, des élèves qui poursuivent ou étendent leur apprentissage, de nouveaux inscrits, des ateliers culturels annexes qui attirent du monde, une bonne relation professeurs-élèves-parents d’élèves, des retours positifs, etc. Avec des responsables pédagogiques ou des directeurs qui continuent majoritairement d’enseigner en parallèle de leurs fonctions ou qui connaissent cet univers, la faisabilité et la pertinence de ce qui est proposé les frappent plus vite et rectifier le tir est plus simple.
Les classes de FLE seraient-elles une version améliorée de ce que devrait être l’enseignement espéré en France ?
Et vous, avez-vous eu l’occasion de tester ces deux types de structures ?
Que préférez-vous et pourquoi ?
Pensez-vous qu’il est possible d’enseigner le FLE comme une autre matière ?
0 commentaires